Thèse

La thèse de Fleury Lisa

Revisiter l’adaptation sensorimotrice : étude du transfert inter-tâche des effets consécutifs durant l’adaptation prismatique

La plasticité qui caractérise notre système nerveux nous permet de réaliser des mouvements fluides et précis malgré des conditions changeantes. La compréhension et la distinction des processus permettant de modifier un mouvement pour faire face à une perturbation (adaptation) et d’en apprendre de nouveaux (apprentissage) représentent un défi majeur. L’adaptation sensorimotrice se reflète non seulement par la réduction graduelle d’erreurs induites par la perturbation mais surtout par la présence d’effets consécutifs une fois la perturbation supprimée. Les caractéristiques de ces effets consécutifs renseignent sur la nature des modifications opérées au sein du système nerveux central et ainsi sur le type de processus mis en jeu pour faire face à la perturbation.

L’objectif de cette thèse était d’apporter des éléments théoriques à la compréhension et à la distinction des processus de plasticité sensorimotrice. Plus spécifiquement, nous faisions l’hypothèse que l’étude de transfert des effets consécutifs vers une tâche motrice n’ayant pas été pratiquée pendant la perturbation pouvait révéler la contribution de processus distincts durant l’adaptation sensorimotrice. Il s’agissait notamment d’investiguer les conditions favorisant le transfert des effets consécutifs. De plus, il était question d’étudier le rôle du cervelet dans les mécanismes du transfert.

Au sein de nos différentes études, nous avons employé une approche comportementale à travers le paradigme de l’adaptation prismatique, en utilisant des lunettes qui dévient le champ visuel. Les résultats de notre première étude ont montré que les effets consécutifs développés lors de l’adaptation prismatique impliquant une tâche de pointage étaient transférables vers une tâche de lancer. Néanmoins, le transfert du lancer vers le pointage n’était possible que pour les experts en lancer. Ainsi, l’expertise sur la tâche pratiquée durant l’exposition prismatique conditionnait la nature des processus sollicités pour faire face à la perturbation. Dans une seconde étude, nous avons montré que l’adaptation prismatique par imagerie motrice permettait le transfert des effets consécutifs depuis le pointage vers le lancer, mais seulement pour les individus présentant de bonnes capacités d’imagerie motrice. Grâce à l’utilisation de la stimulation cérébrale transcrânienne à courant direct, les deux dernières études ont permis de souligner le possible rôle du cervelet dans le transfert des effets consécutifs.

Au regard de ces apports, cette thèse souligne l’intérêt du transfert inter-tâche pour mettre en évidence la contribution de différents processus durant l’adaptation sensorimotrice, au-delà de la mesure classique des effets consécutifs. Le développement d’effets consécutifs transférables reposerait sur l’ajustement durable des modèles internes du système sensorimoteur. Ces modifications seraient guidées par les erreurs de prédiction sensorielle et impliqueraient des structures cérébelleuses. Ces résultats fondamentaux permettent d’envisager des pistes d’applications dans le domaine clinique, visant à améliorer le transfert des compensations acquises en rééducation vers d’autres contextes.

Mots clés : plasticité sensorimotrice, adaptation, apprentissage, effets consécutifs, transfert, adaptation prismatique, modèles internes, cervelet, tDCS, imagerie motrice