Le Projet de PAF
Document d’autoévaluation des unités de recherche Campagne d’évaluation 2019-2020 –Vague ADépartement d’évaluation de la recherche36Figure 10. Schéma général scientifique de l’équipe PAF.2. Objectifs scientifiques et principaux projetsSi les études effectuées chez l’animal ou sur muscle isolé ont permis de déterminer les mécanismes/métabolites impliqués dans la fatigue musculaire, d’autres restent encore sujet à débat. Parmi ces derniers, nous pouvons citer le pH et le lactate. En effet, ces derniers ont été présentés comme jouant un rôle modéré dans la fatigue voire un rôle protecteur. Pourtant, la fatigue lors d’un exercice intense et maximal est souvent concomitante d’une acidose et d’une accumulation de lactate. Au cours de ce quinquennal, le rôle du pH et du lactate dans la fatigue centrale et périphérique sera investigué, et leurs conséquences sur la fonction neuromusculaire (notamment mesurée en dynamique via les profils force/vitesse/puissance), la raideur et le rendement musculaires seront déterminées. Les contraintes environnementales (thermiques, stress, sommeil) et physiques pour les «athlètes de l’extrême» (ultra-trailers ou militaires en opération par exemple) sont importantes, générant une importante fatigue physique et cognitive. Un objectif sera d’identifier et comprendre la fatigue perçue, neuromusculaire et cognitive subie par ces athlètes hors-normes.
La fatigue est le symptôme le plus fréquemment signalé dans un grand nombre de maladies chroniques. Par exemple, la fatigue liée à la sclérose en plaques touche jusqu'à 80% des patients, et jusqu'à 60% d'entre eux la considèrent comme le symptôme le plus invalidant. De même, 1/3 des patients atteints de cancers se plaignent de fatigue des mois voire des années après la fin du traitement. Dans la drépanocytose, la fatigue est très souvent décrite et rapportée par les patients, mais encore trop peu d’attention lui est accordée. Ce manque d’attention est principalement lié au fait que d’autres symptômes ou que la douleur centralisent les préoccupations des patients et des praticiens. La fatigue chronique se définit comme un « manque subjectif d'énergie physique et/ou mentale, perçu par l'individu ou le soignant et qui interfère avec les activités de la vie quotidienne ». Elle se distingue de la fatigue observée chez les personnes en bonne santé parsa nature invalidante et par le fait qu’elle n’est pas soulagée par le repos et le sommeil. La fatigue neuromusculaire est souvent définie comme une baisse des capacités maximales d’un individu à la suite d’un exercice physique. Elle est due à des processus centraux (i.e.niveau cortical et/ou spinal/motoneuronal) et périphériques (i.e.en aval de la jonction neuromusculaire). La fatigue neuromusculaire se définit comme une réponse contractile (force) inférieure à la réponse attendue pour une contraction volontaire ou une stimulation donnée. Il existe étonnamment peu d'études qui ont exploré l'association entre fatigue neuromusculaire et fatigue chronique. Pourtant, une moindre résistance à la fatigue induite par l’exercice peut contribuer à une accumulation de fatigue par la répétition des tâches de la vie quotidienne. La fatigue chronique peut également être le reflet d’un déconditionnement (remodelage structural et énergétique) ou d’une spasticité musculaire, ou encore d’un déconditionnement plus global comme l’altération du système cardiovasculaire et/ou respiratoire par exemple. Ces déconditionnements peuvent être, soit directement (comme le remodelage musculaire entraînant une perte de force) soit indirectement (comme la sédentarité ou la douleur) liés à la maladie, ou à l’âge. Le but de nos recherches sera donc de mieux comprendre la physiopathologie de la fatigue chronique et en particulier le rôle d’une moindre résistance à la fatigue neuromusculaire pendant l’exercice physique, d’une plus faible aptitude physique ou d’un remodelage musculaire dans différentes affections. Sept populations seront particulièrement étudiées: les personnes âgées, et les patients atteints de drépanocytose (Messonnier et al. 2019, Ravelojaona et al. 2015), de sclérose en plaque (Féasson et al. 2006, Twomey et al. 2017), de cancer(Twomey et al. 2018), de paralysie cérébrale (Dohin 2017, Dohin 2019), ayant séjourné en unité de réanimation (en collaboration avec l’équipe DeReM-ES), et après chirurgie du genou (e.g.ligamento‐ou arthroplastie). Parfois délétères (comme cela est le cas dans le cancer), parfois positifs (comme cela est le cas avec l’hydroxyurée dans la drépanocytose), l’impact des traitements médicamenteux sur l’aptitude physique et la fonction musculaire, sera abordé. Ces études seront également complétées par des investigations surle rôle du sexe (effet protecteur d’un taux d’HbF résiduel supérieur chez les patientes drépanocytaires par exemple) sur la fatigue chronique et ses causes. Un modèle de muscle spastique et d’évaluation des traitements neurologiques (type neurotomies) sera élaboré.
L’activité physique régulière constitue un traitement à large spectre. En effet, dans bon nombre de maladies chroniques, l’activité physique individuellement calibrée constitue un réel moyen thérapeutique. La drépanocytose n’échappe désormais plus à cette règle. Récemment, il a été mis en évidence qu’un programme d’entraînement individuellement ciblé a permis en seulement 8 semaines de contrecarrer certains effets délétères de la maladie sur le tissu et la fonction musculaires, ainsi que d’améliorer la qualité de vie des patients (Gellen et al. 2018). Au cours du prochain quinquennal, les effets à long terme seront investigué et un des objectifs poursuivis sera la mise en place de recommandations thérapeutiques. La meilleure connaissance des mécanismes spécifiques de désadaptation responsables de la faiblesse et de la fatigabilité musculaires (paragraphes précédents) permettra d’optimiser les stratégies d’intervention en rééducation/réathlétisation/reconditionnement ou thérapie par l’exercice. Parmi les stratégies possibles, les vibrations localisées (muscle ou tendon) ont démontré toutes leur efficacité pour augmenter, grâce à des adaptations nerveuses, les capacités de production de force de divers groupes musculaires (Souron et al. 2017) dont les extenseurs de genou (Souron et al. 2018). Désormais, l’objectif sera de proposer des recommandations d’utilisation de la vibration localisée dans le cadre de la rééducation post‐opératoire du LCA ou d’arthroplastie totale de genou, en collaboration avec l’équipe SPIP. La complémentarité de la vibration avec d’autres modalités de stimulation telles l’électrostimulation neuromusculaire sera également envisagée. Toujours dans les stratégies innovantes, de récentes études laissent supposer que l’exercice physique en hypoxie pourrait constituer un outil thérapeutique efficace pour des populations pathologiques. Parmi les différentes stratégies possibles, la répétition de sprints en hypoxie (RSH) est une méthode d’entrainement qui permet des améliorations étonnantes en terme de résistance à la dégradation de la performance lors de l’exercice. Actuellement appliquée chez le sujet sain et l’athlète de haut niveau, ces méthodologies d’entraînement impliquant l’hypoxie pourraient également être exploitées pour la réhabilitation de personnes en perte d’autonomie ou des patients en situation de fatigue chronique. Néanmoins, avant d’imaginer de telles applications, les mécanismes sous-jacents permettant d’expliquer ces gains de performance et de meilleure résistance à la fatigue nécessitent d’avantage d’investigations (Peyrard et al. 2019). Pour cela, le métabolisme énergétique musculaire (mesuré en RMN), des marqueurs biologiques métaboliques (stress oxydatif) et vasculaires, la perfusion musculaire et la fonction neuromusculaire seront évalués de manière innovante (Mira et al. 2017) au cours de différents protocoles de conditionnement/entraînement impliquant l’hypoxie. Pour quantifier les effets de l’activité physique, un modèle pharmacodynamique décrivant l’action d’un médicament sur l'organisme en associant sa concentration à une mesure de son efficacité a été développé. Cette nouvelle approche permet de quantifier la relation dose-effet de l’activité physique montrant une dose optimale au-delà de laquelle le bénéfice est diminué à cause de la fatigue induite par un dosage trop élevé (Busso 2017). Pour montrer que ce type de modélisation peut constituer un outil d’aide à la conception de programme d’activité physique adaptée, les effets d’un programme de marche rapide chez des personnes âgées vivant en institution et d’un programme de réadaptation à l’effort chez des patients coronariens seront étudiés (collaboration avec le laboratoire SNA-EPIS).